La mort chez les Romains de l'Antiquité
Les Romains considéraient que la mort laissait sur le corps une pollution, le rendant « squalus » (sale). C'est pourquoi, après le décès, toute une équipe de professionnels était chargée de nettoyer le cadavre et de l'habiller avant qu'on ne l'emmène au lieu de ses funérailles. Une fois lavé, le corps était, chez les riches et les influents, revêtu d'une toge portant les symboles et insignes de toutes les charges officielles que le défunt avait tenu sa vie durant. Chez les plus pauvres, on habillait le mort de ses plus beaux atours. Dans les deux cas il n'est pas rare que la famille ait enserré des bijoux, anneaux et bracelets, dans le linceul. Dans les familles patriciennes, un moule du visage était pris sur le défunt, et un masque de cire était réalisé; chacune de ces familles gardait dans l'atrium de sa domus les masques de ses ancêtres qui s'étaient illustrés.
D'après l'historien allemand Th. Mommsen, lors de l’annonce solennelle des funérailles d'un citoyen romain, on disait : « Ce guerrier est mort » (en latin Ollus quiris leto datus).
Commençait alors un temps où le corps était exposé dans sa maison, sur un lit, pour que les amis et parents puissent venir lui témoigner son respect. On sait que l'Empereur Néron a même fait assoir la dépouille embaumée d'épices de son épouse Poppée.
Un ancien rituel étrusque voulait qu'une femme allaitante donnât le sein au cadavre, pour rappeler que c'est la première nourriture qu'il connut quand il vint au monde, bouclant ainsi la boucle.
Dans une période qui s'étale parfois jusqu'à cinq jours après le décès, la dépouille était emmenée au lieu de la crémation ou de l'inhumation portée sur un lit funéraire. Un cortège lent et accompagné de musique le suivait; la famille était en tête, en commençant généralement par le conjoint, suivie de pleureuses de métier et d'acteurs portant les masques en cire des ancêtres illustres de la famille. L'entourage endeuillé portait le noir à l'époque de la République et jusqu'au temps d'Octave au moins, avant de favoriser le blanc sous les Empereurs. Cependant, ce « noir » d'époque est beaucoup moins intense que celui que nous pouvons produire de nos jorus En plus de cela, les femmes endeuillées portaient les cheveux défaits et en bataille, tandis que les hommes s'abstenaient de se raser.
Le corps arrivé à la fin du cortège était soit enterré, soit incinéré. Dans le premier cas, il existait d'une part des tombes privées, d'autre part des collectifs regroupant parfois plusieurs qui s'étaient alliées, et des fosses communes pour les plus pauvres. Les enterrements des indigents avaient d'ailleurs lieu le soir, et étaient à la charge de vespiliones, ou croque-morts des pauvres (on remarquera avec étourderie amusée la ressemblance avec le mot vespertiliones, « chauvesouris »). Ces croque-morts avaient d'ailleurs la mauvaise réputation de se muer parfois en pilleurs de tombes.
En ce qui concerne la crémation, les grands personnages étaient parfois incinérés sur la place publique, chacun pouvant contribuer au passage dans l'au-delà en amenant un morceau de bois pour le « bûcher d'apothéose » (c'est-à-dire celui confère le statut de divinité). Les cendres étaient ensuite récoltées et placées dans des urnes, et certaines familles disposaient de mausolées colombariums.
Hélas, même en ce temps là, plus encore même, la Mort fauchait indifféremment du nombre d'hivers. Nous apprenons chez l'auteur latin Fulgence que « Les enfants morts âgés de moins de 40 jours sont enterrés sous l’auvent du toit de la demeure (...) À une époque plus ancienne, les Anciens appelaient suggrundaria les sépultures des nourrissons qui n’avaient pas encore vécu quarante jours, parce qu’on ne pouvait pas les nommer busta, puisqu’il n’y avait pas encore d’os qui puissent être brûlés, et que la taille de leur cadavre n’était pas suffisamment grande pour former un monticule de terre. »
De
telles « suggrundaria » (ou « tombes sous les
chéneaux ») ont été retrouvée sur le Forum romain, dans la
région de l'Arc d'Auguste, et remonteraient en fait à l'époque où
cessa l'usage d'ensevelir les adultes dans le Forum (vie
siècle) car les enfants faisaient exception à cette défense. On
comprend dans le texte de Fulgence que, d'une part, les enfants de
moins de quarante jours ne pouvaient être incinérés et que,
d'autre part, leurs corps étaient trop petits pour que leurs
sépultures soient considérées comme des tombes à proprement
parler (busta).