Une brève approche de l'hindouisme: au-delà des dieux
De : Ludwig Von Drake (lustigludwig@hotmail.com)
Envoyé : mercredi 08 juillet 2009 15:00:18
À : xxxxxxxxxx@hotmail.fr
Une brève approche de l'hindouisme: au-delà des dieux
À
la lecture du remarquable « Le trésor des dix Avatars » (« The Treasure
Of The Ten Avatars », 1996) de Keno Don Rosa, le lecteur vaguement
informé des religions orientales laissera volontiers vagabonder son
esprit auprès de ces étranges dieux aux multiples bras que leur évoque
immanquablement le mot « hindouisme ». Mais cette association immédiate
n'est peut-être qu'une caricature. Et au fond, l'hindouisme est-il
vraiment *une* religion ?
L'hindouisme honore certes des dieux, mais le concept de dieu (deva)
n'est en rien comparable au nôtre et dépend énormément de la branche
d'hindouisme à laquelle un croyant appartient. Car, ce à quoi nous
donnons le nom d'hindouisme est en réalité un système complexe d'écoles
de pensée, certaines polythéistes (qui reconnaissent l'existence de
plusieurs dieux et les honorent), monothéistes (qui n'honorent et ne
reconnaissent qu'un seul dieu), hénothéistes (qui reconnaissent
l'existence de plusieurs dieux mais n'en honorent qu'un) et même
athées.
Le mot Hindouisme n'est après tout qu'un mot récent, donné
par les Européens. En effet, quand on vit presque seul, avec peu de
contacts avec d'autres cultures, on ne pense pas à se définir soi-même
(les Indiens d'Amérique, par exemple, avant de connaitre les blancs, ne
se nommaient pas eux-mêmes « Peaux Rouges » mais juste « les Hommes ».)
Quand les autres religions sont arrivées, ils ont dû se définir. Le mot
hindouisme vient donc des colonisations, mais pour les hindous, on
parle de dhárma ( धर्म ).
Et
c'est là où l'hindouisme — ou plutôt donc les hindouismes — se
retrouve, c'est dans ce concept même de « dhárma ». Ce mot vient d'une
ancienne racine sanskrite qui signifie « soutenir » (comme un pilier
soutient le toit d'un bâtiment), mais traduire dhárma est un exercice
difficile. On lui donne généralement pour équivalent les mots « Loi du
Monde ». Mais le dharma est en fait l’ordre du monde lui-même, le
système de tout ce qui est établi. En somme, la loi dans toutes ses
dimensions. Cette « loi » exige que toutes les choses qui existent
aient une cohérence, un certain agencement, et si possible une
harmonie. Le dhárma régule également les devoirs de chaque être
participant au monde (que ce soient les bêtes, les homme sou même les
dieux !). Les dieux ne sont donc que des agents certes très puissants
de l'ordre, mais soumis eux aussi à des contraintes.
Ces «
devoirs » de tout un chacun pour que l'ordre du monde soit respecté ne
sont pas exprimés en termes d'individu, mais en termes collectifs. Le
respect du dhárma, pour l'humain, se manifeste principalement à travers
l'appartenance à une des quatre classes de la société hindoue (varṇa)
et par le passage des différentes étapes d'une vie (āśrama). Puisqu'ils
dépendent de la classe sociale dans laquelle on nait — et dont on ne
peut changer, les devoirs sont essentiellement déterminés par la
naissance. On ne peut se marier qu’avec quelqu’un de la caste sous
peine d'exclusion, par exemple.
Les varṇa ou classes sociales
1e classe sociale= Les brahmanes
Sont
une caste d'enseignants et d'éternels étudiants à la fois. Ils
détiennent la connaissance et sont responsables des rites et des
traditions religieuses.
2e classe sociale= Les nobles
Il
s’agit de la caste des rois, de leur cour et des guerriers qui
gravitent dans leur entourage ou dont ils sont souvent issus. Leur
fonction est de protéger et défendre les autres castes des ennemis,
aussi bien par les armes que par l'établissement de lois civiles.
3e classe sociale= Le peuple
Comme
les ouvrières chez les fourmis, ils s’occupent de la production et
vivent/font vivre à l'aide de l’agriculture et de l’artisanat.
4e classe sociale= Les serfs ou les serviteurs
Cette
dernière caste regroupe des familles qui ne sont pas considérées comme
libres ; ces gens ne vivent que pour servir les classes supérieures et
sont considérés comme « Intouchables ». Un Intouchable qui se noie, par
exemple, ne peut être sauvé que par un autre Intouchable.
Les quatre asrama
Il
s'agit donc de différentes étapes de la vie individuelle définies par
des règles, qui ne concernent que les trois premières classes libres,
et uniquement les hommes (la femme n'agit dans l'ordre du monde que par
rapport aux agissements de son père/mari).
1)L’époque de l’éducation ou de la formation
Entre
8 et 15 ans, le jeune hindou est confié à un précepteur brahmane qui va
lui apprendre le Dhárma. En échange de cette instruction, le jeune rend
des services d'ordre pratique à son précepteur (nos lecteurs qui auront
vu « Karaté Kid » verront ce que je veux dire, il s'agit réellement de
corvées de tous les jours). Cette initiation aux rites religieux permet
au jeune homme de passer à l'âge adulte.
2)L’étape centrale
Durant
cette seconde étape, l'homme hindouiste a pour devoir d'aider à faire
marcher la société. Pour cela, on attend de lui qu'il prenne une place
pivot dans la société en tant que travailleur (responsabilités
civiques) et père de famille (responsabilité familiale). Des quatre
périodes de la vie, celle-ci est la plus longue.
3)La retraite ou la vie forestière
L'homme
hindouiste qui devient grand-père est invité à faire « place aux jeunes
» au sens propre du terme : il se retire dans une maison au calme —
traditionnellement dans la forêt — et délaisse toute activité pour se
consacrer à la méditation. Son épouse l'accompagne généralement.
4)Le période du renonçant
Cette
dernière période parait impossible dans nos esprits occidentaux. Elle
consiste en effet à couper tout contact, toute relation avec la
société, sans exception. L'homme devient une sorte d’ermite qui erre
sur les routes, étant totalement sorti des structures dans lesquelles
il a vécu. La femme du renonçant, si elle est toujours en vie, reste
avec les enfants et est considérée comme veuve. Le renonçant, sorti à
la fois du monde et de sa caste, ne peut plus vivre que d'aumône et
quitte toute vie religieuse traditionnelle.
S'il fait cela, c'est
pour mieux se préparer à la mort, s’occuper de sa vie dans l’au- delà.
Il va se préoccuper de sa destinée, de sa libération spirituelle, de
son vrai soi (l'ātman). Le vrai soi, c'est une essence divine qui est
présente en chacun et qui ressemble un peu à ce que nous appelons
l'âme. Trouver son vrai soi, c'est être capable d'aller au-delà de la
religion et relativiser absolument les choses.
J'admets n'avoir
pas parlé, ou si peu, des dieux dans cet exposé, mais le sujet est
vaste et je souhaitais avant tout tordre le cou à un raccourci trop
facile. Ceux qui voudront toutefois en savoir bien davantage sur cette
partie du sujet pourront se référer aux pages 168 à 209 du suivant
ouvrage:
*Comte Fernand, Larousse des Mythologies du monde, Éditions du Club France Loisirs, Paris, 2004
Matilda et moi vous remettons toute notre sympathie.
Bien à vous,
Pr. Ludwig Von Drake